Et s'il appartenait à la philosophie d'être le véritable ferment de l'unité de l'Europe ? Une Europe qui avant d'être un continent formé par l'histoire et la géographie pourrait être d'abord considérée comme une idée (au sens platonicien du terme) ? Si l'idée d'une humanité européenne - chère à Husserl - ne peut plus avoir dans une ère postcoloniale que le sens d'une injonction, ce ne peut être que dans le sens où l'Europe n'accède à l'humanité - ou y retourne après la barbarie de cette ère de fer que fut le XXe siècle - qu'en se donnant ou se redonnant une finalité spirituelle.
Ce 16e forum Le Monde/Le Mans qui s'est tenu du vendredi 22 au dimanche 24 octobre 2004 s'était donné pour tâche de préciser laquelle. Ou lesquelles. Ainsi, si la phénoménologie s'est voulue philosophie d'Europe, le projet n'est-t-il pas devenu depuis bien longtemps l'affaire des politiques voire des eurocrates ? Pourtant, le désaveu apporté au projet de constitution européenne par les électeurs français, dimanche 29 mai 2005, jette son ombre sur les perspectives qui ont été développées par les intervenants tout en redonnant paradoxalement ses chances à la philosophie. Quand l'Europe retourne à l'établi, cette dernière ne se révèle-t-elle pas plus que jamais nécessaire ? Pour servir cette réflexion, les croisements de perspectives ont été multipliés. Ainsi les relations de l'Europe aux deux Orients qui taraudent et structurent son imaginaire, l'Est et l'islam, sont-ils interrogés en profondeur. De même plusieurs textes abordent les bouleversements que la figure des Etats-Unis a subis sur le Vieux continent, en particulier depuis la fin de la Guerre froide. D'une manière ou d'une autre, l'Europe continue.